Quelques jours après la Mi-Carême et les derniers défilés et déboulés, JOHO a fait le point sur les retombées économiques du carnaval en Guadeloupe avec Catherine Cadrot, présidente de la commission tourisme de l’UDE-MEDEF, également présidente de l’Union des métiers de l’industrie de l’hôtellerie (UMIH).
Le carnaval 2025 est cette fois-ci bel et bien terminé, en quoi est-il un atout pour le tourisme guadeloupéen ?
Le carnaval est un produit culturel qui attire les touristes, principalement de l’Hexagone, curieux de découvrir notre patrimoine et nos coutumes. Par ailleurs, c’est un événement qui se déroule pendant la haute saison. Ce qui est un plus. Outre les jours gras, il y a des défilés et des déboulés tous les dimanches du 1er janvier jusqu’au début du Carême. Le Comité du Tourisme des Îles de Guadeloupe en fait la promotion, notamment sur les salons. Et il y a un réel intérêt pour l’économie du territoire.
Quelles sont les retombées économiques du carnaval dans l’archipel ?
Faute de données statistiques, c’est difficilement quantifiable, mais il y a des retombées certaines dans l’hôtellerie. Les vendeurs ambulants, les boutiques de souvenirs et d’articles de carnaval (masques, déguisements…) en profitent eux aussi. Peut-être un peu moins les restaurants…
Les acteurs et les organisateurs du carnaval jouent-ils le jeu ?
Il faut noter les efforts réalisés par les communes et les différents groupements et fédérations en ce qui concerne l’organisation (parcours, sécurité…). Les groupes également ont fait de gros efforts (costumes, chorégraphies, musique). La qualité des prestations s’est nettement améliorée au fil du temps. C’est beau et ça plaît. Les retours sont positifs. Et de plus en plus de groupes carnavalesques interviennent dans les hôtels et de plus en plus de touristes y participent.
A votre avis, que peut-on améliorer pour attirer encore plus de visiteurs au carnaval de Guadeloupe ?
C’est perfectible, très clairement. Notamment en renforçant encore la sécurité. C’est aussi vrai pour les locaux. Il faut que les spectateurs, tout autant que les carnavaliers, aient un sentiment de confort. Se sentir en sécurité, c’est primordial. Or, on a encore vu cette année, malgré les dispositifs mis en place, des débordements, des blessés… Et selon moi, il faut aussi revoir les horaires. Des fins de parades trop tardives peuvent générer de la frustration. Ceux qui veulent partir, rentrer chez eux ou à leur hôtel, doivent souvent attendre la réouverture des routes. Sans parler de ceux qui font des kilomètres à pied pour regagner leur véhicule. C’est une chose à laquelle j’ai assisté cette année et à laquelle nous devons réfléchir. C’est un apport économique qui demande à être encore plus structuré. Le carnaval est populaire, un moment de convivialité et de partage, il ne faut pas qu’il y ait trop de contraintes et de rigueur. Et il faut préserver le spectacle sur l’ensemble du parcours.
Quel est l’objectif visé pour notre carnaval ?
Il faut gagner encore en attractivité. Certains carnavals de la Caraïbe, par exemple à Porto Rico et à Trinidad, sont des références en la matière. Il faut réussir à les égaler. Et pourquoi pas développer notre offre à l’international, à l’image des carnavals de Nice, de Dunkerque ou encore de Venise. Mais pour ça, encore une fois, il faut encore plus performer et apprendre de leur expérience, notamment pour l’accueil du public.
Le tourisme culturel a-t-il de beaux jours devant lui en Guadeloupe ?
C’est certain pour nous différencier des îles de la Caraïbe qui proposent essentiellement un tourisme balnéaire all inclusive, comme Saint-Domingue ou encore la Barbade. Outre le carnaval, il y a de nombreux sites mémoriels à visiter en Guadeloupe, comme les marches de esclaves à Petit-Canal, le Mémorial Acte à Pointe-à-Pitre, les forts (Napoléon, Delgrès, Fleur d’Epée). Sans oublier les expositions, les concerts, les distilleries pour ce qui est du spiritourisme… De plus en plus de nos visiteurs veulent nous découvrir à travers notre patrimoine culturel. Nous avons un potentiel lié à notre histoire alors il faut le mettre en valeur.
Outre le carnaval, d’autres événements culturels pourraient-ils, selon vous, être des leviers touristiques ?
Oui, par exemple le tourisme évènementiel. Les grands concerts, nous avons eu récemment des stars françaises, Cabrel et Bruel, à guichets fermés. Mais il y a aussi les festivals Terre de blues, Karukera One Love, All Day In Music Festival…, avec des artistes de renom. Sans oublier les expositions, nos fêtes de Pâques…
Qu’est-ce qui manque pour que ce tourisme culturel se développe en Guadeloupe ?
Il faudrait une vision avec une mise en valeur de nos coutumes, architectures et sites historiques. Et une salle digne ce nom, un Palais des Congrès, comme cela existe ailleurs, dans l’Hexagone. Cela nous ramènerait aussi des évènements économiques, d’entreprise. Un tourisme d’affaires. Il nous faut un lieu qui puisse accueillir le grand public. Cela nous permettrait de développer un tourisme avec le bassin caribéen et les pays des Amériques afin de lisser la fréquentation sur l’ensemble de l’année et non plus sur quelques mois.
Qu’est ce qui pourrait encore accroître l’attractivité touristique de la Guadeloupe
L’aménagement du territoire, le développement des transports en commun, de la formation… Mais aussi le renforcement de la qualité de l’offre d’hébergement, avec un tourisme haut de gamme, grand confort. C’est en cours avec la construction du Royal Key Wellness Resort, au Moule. Un 4 étoiles. Et il est également prévu un autre établissement de ce type près de l’aéroport. Aujourd’hui, nous avons, en Guadeloupe, 5 hôtels 4 étoiles et un 5 étoiles, une dizaine de 3 étoiles et quelques-uns en 2. L’objectif, c’est de faire monter les 3 en 4 et que ceux qui ouvrent ne soient que des 4 étoiles. Il nous faut un tourisme qualitatif et diversifié. Pour attirer une clientèle haut de gamme des marchés hexagonaux, européens et internationaux.
Propos recueillis par Isabelle Chevalier



